Le marché du travail est confronté à une énorme pénurie, et les employeurs recherchent ardemment des talents. Selon les derniers chiffres, le Forem rapporte que les offres d’emploi ont augmenté de 39,4% au deuxième trimestre de 2024, Actiris rapporte une augmentation de 7,1% en juillet. Les travailleurs et les demandeurs d'emploi sont aujourd'hui en position de force, mais beaucoup de ces offres d'emploi ne trouvent pas pour autant leur origine dans la croissance économique. Le taux de vacance d’emploi, qui rend compte du nombre d'emplois vacants par rapport au nombre total d'emplois dans les entreprises, est actuellement de 4,4. Ainsi, si la demande en personnel reste forte, celle-ci est repose souvent sur un besoin de remplacement plutôt que sur une expansion ou sur une croissance de l’activité. L’évolution démographique reste donc un facteur déterminant : pour 100 personnes qui quittent le marché du travail, il y seulement 80 entrants. Le Bureau du Plan prévoit une diminution constante de la population en âge de travailler en Région wallonne jusqu'en 2050. En outre, nous constatons qu'une part importante de la demande de main-d'œuvre se situe dans des secteurs non marchands (tels que l’enseignement, les services publics, etc.).
Malgré une demande continue de main-d'œuvre, les chiffres récents concernant les faillites et la confiance des entreprises brossent un tableau économique sombre. Pas moins de 721 entreprises ont été déclarées en faillite en juillet 2024. Selon la Banque nationale, la Belgique a connu une croissance économique de 0,2 % au deuxième trimestre, avec une contribution négative de l'industrie et des exportations nettes. Un nombre croissant d'entreprises sont confrontées à une baisse de la demande, à une hausse des coûts et à un avenir incertain, ce qui entraîne une augmentation des faillites et des restructurations, une hausse du chômage économique et une sous-utilisation de la capacité de production industrielle.
Le travail intérimaire, dont les chiffres sont un bon indicateur de l’évolution de la conjoncture économique, a vu son activité retomber en juillet 2024 à des niveaux qui, hors pandémie, avaient été enregistrés pour la dernière fois en 2013, au moment de la crise de la dette européenne. Les secteurs n'ont pas pu tourner à leur pleine capacité, et la catégorie des travailleurs flexibles qui sont employés par l’intermédiaire des entreprises d'intérim a été la première à faire les frais de cette situation. Plusieurs entreprises ont prolongé leur période de fermeture collective d'une ou plusieurs semaines, et dans de nombreux secteurs, le « pic estival » ne s'est pas produit. La confiance des entreprises, qui est inférieure à la moyenne depuis un certain temps, a également continué à baisser pour le troisième mois consécutif. Cela témoigne de l'incertitude persistante qui règne dans le monde des entreprises, et c’est là un signe à ne pas sous-estimer. En bref : notre économie ne tourne plus à plein régime.
Les pénuries de personnel masquent la crise
Ce paradoxe apparent - un marché du travail tendu sur fond de conjoncture qui se détériore - donne un faux sentiment de sécurité, alors que les mauvais présages s’amoncellent dans le ciel économique. La demande de main-d'œuvre donne l'impression d'une économie robuste. Les travailleurs et les demandeurs d'emploi sont aujourd'hui en position de force à cet égard. La confiance des consommateurs reste bonne et, dans l'ensemble, ils ne se font pas beaucoup de soucis au sujet de l'économie et de leur situation financière, ce qui est en soi une bonne nouvelle. En effet, des consommateurs confiants soutiennent l'économie. Mais, ceci contraste avec les problèmes plus profonds d'une économie en déclin.
Nos responsables politiques feraient bien de regarder au-delà du calme relatif qui règne sur le marché du travail et de prendre des mesures pour soutenir notre économie. Le nombre élevé d'emplois vacants que nous connaissons aujourd'hui n'est pas un bon indicateur de la conjoncture économique. Les signaux indiquent un nouveau ralentissement de l'économie, qui requiert l'attention et l'action des politiques. Nous avons besoin de réformes structurelles capables de stimuler le potentiel de croissance de notre économie et d’alimenter les emplois et les postes vacants de demain. Nous avons besoin, dès aujourd'hui plutôt que demain, d'un gouvernement fédéral qui puisse mener des réformes pour réaliser des effets retour dans le budget et de gouvernements régionaux audacieux qui puissent conduire des politiques d'activation fortes sur le marché du travail.